Les clés de la délivrance en trois mots
Au cœur de trois ténèbres — celles du plus grand être marin, celles de l’océan profond et déchaîné, et celles d’un ciel obscurci par des nuages noirs —, tandis que des vents violents soulevaient les vagues jusqu’à les ériger en montagnes, jouant avec les navires impuissants face à leur fureur… au milieu de ce chaos, des invocations sincères s’élevèrent. Elles transpercèrent cette masse obscure pour atteindre rapidement les cieux. Les portes célestes s’ouvrirent pour elles, et en réponse à ces supplications, une intervention divine fut accordée : celui qui les avait formulées fut sauvé de ses périls. Ainsi se manifesta la délivrance.
« Il n’y a point de divinité en dehors de Toi… Gloire à Toi ! J’ai été vraiment du nombre des injustes. »
Trois paroles qui résumèrent à elles seules toute la profondeur d’une épreuve prophétique. Allah voulut que cette épreuve prenne la forme d’une incarcération, mais quel type de prison fut celle de Yûnus (Jonas) ? Une prison sans porte, sans serrure, sans geôlier humain à qui s’adresser pour obtenir la libération. Ici, le geôlier et la prison ne formaient qu’une seule et même créature : le poisson qui avala notre maître Yûnus — paix sur lui —, également connu sous le nom de Dhû al-Nûn, en référence à cette histoire singulière.
L’histoire est bien connue et largement diffusée. Il ne s’agit pas ici de la raconter à nouveau, ni de l’examiner dans ses détails, mais de méditer sur cette invocation prophétique, que le noble prophète répéta dans l’obscurité du ventre de la baleine. Elle soulève de nombreuses interrogations : que signifie cette invocation ? Pourquoi a-t-elle dissipé l’angoisse ? Quel est le sens de la reconnaissance du péché et de l’injustice ? Et surtout : comment comprendre cette invocation du point de vue doctrinal, afin d’en saisir la grandeur, la portée et sa place dans une méthode spirituelle d’une profondeur théologique remarquable ? Pour répondre à ces questions, il convient de commenter ces paroles, et nous disons, avec l’aide d’Allah, le Tout-Puissant :
Première remarque : Il n’y a point de divinité en dehors de Toi
Cette parole d’unicité renferme à la fois la négation et l’affirmation, comme dans ce verset :
« C’est Toi [Seul] que nous adorons, et c’est Toi [Seul] dont nous implorons le secours » (Coran 1/5),
ce qui signifie : nous n’adorons que Toi, et nous ne cherchons secours qu’auprès de Toi.
De même :
« Il ne leur a été commandé que d’adorer Allah, en Lui vouant un culte exclusif » (Coran 98/5),
et encore :
« Voilà donc Allah, votre Seigneur, le Vrai. Et tout ce qu’ils invoquent en dehors de Lui est faux » (Coran 22/62).
Ainsi, toute divinité en dehors d’Allah est vaine, quelle que soit la noblesse ou le rang qu’on lui prête — prophète, saint, ange ou autre. Elle n’apporte aucun bénéfice à son adorateur, et son culte ne lui profite en rien. C’est en ce sens que le Prophète ﷺ a loué la parole de Labîd :
« Certes, tout ce qui est en dehors d’Allah est vain. »
Il est frappant de constater que de nombreuses invocations prophétiques commencent par une proclamation d’unicité. On peut citer, par exemple, Sayyid al-Istighfâr (la meilleure manière de demander pardon), rapportée par al-Boukhârî :
« Ô Allah ! Tu es mon Seigneur, nul autre que Toi n’est digne d’adoration. Tu m’as créé, et je suis Ton serviteur. Je m’efforce de tenir mon engagement envers Toi autant que je le peux. Je cherche protection contre le mal de mes actes. Je reconnais Tes bienfaits envers moi et j’avoue mes fautes. Pardonne-moi, car nul autre que Toi ne pardonne les péchés. »
Commencer l’invocation par la parole : « Il n’y a point de divinité en dehors de Toi » signifie renouveler son engagement à demeurer dans l’ombre de la servitude, même au cœur de l’épreuve. Allah dit :
« Il est des gens qui adorent Allah du bout des lèvres. S’il leur arrive un bien, ils s’en tranquillisent ; mais s’il leur arrive une épreuve, ils se détournent. Ils perdent alors [le bien] de ce monde et de l’au-delà. Voilà la perte manifeste. » (Coran 22/11)
C’est là le secret de l’ouverture de cette invocation : elle constitue une forme d’intercession par les bonnes œuvres, la plus noble étant l’attestation de l’unicité divine. C’est comme si l’éprouvé disait : « Ô mon Seigneur ! Quelles que soient Tes décisions ou Tes décrets, je n’adorerai que Toi. »
Deuxième remarque : Gloire à Toi !
Le Tasnîh en arabe signifie glorifier, purifier. Dire Subhâna Allah revient à affirmer que Dieu est pur de toute imperfection. Glorifier Allah, c’est Le dissocier de tout ce qui est indigne de Sa majesté.
Cette négation n’est pas simple : elle implique affirmation. Comme l’a exprimé Ibn Taymiyyah :
« La négation n’est élogieuse que lorsqu’elle implique une affirmation. Autrement, une négation pure ne constitue pas une louange. »
Ainsi, glorifier Allah ici, c’est L’exonérer de toute injustice. L’épreuve qu’Il inflige n’est jamais arbitraire ni injuste, mais toujours empreinte de sagesse et de justice.
- « Certes, Allah ne lèse personne, fût-ce du poids d’un atome… » (Coran 4/40)
- « Allah ne veut point léser les mondes. » (Coran 3/108)
Dans le hadith Qudsî :
« Ô Mes serviteurs ! Je Me suis interdit l’injustice à Moi-même, et Je l’ai rendue interdite entre vous… » (Mouslim)
Ibn Taymiyyah ajoute :
« L’injuste agit par besoin ou par ignorance. Mais Allah est Riche, Omniscient. Il est Parfaitement Indépendant. »
Et dans le Coran :
« S’il n’avait pas été parmi ceux qui glorifient Allah, il serait demeuré dans son ventre jusqu’au jour de la Résurrection » (Coran 37/143-144).
C’est donc la glorification d’Allah qui fut cause de la délivrance.
Troisième remarque : J’ai été vraiment du nombre des injustes
Après avoir nié toute injustice du côté divin, le prophète Yûnus reconnaît son propre tort. Cette reconnaissance est essentielle : c’est elle qui attire le pardon divin. Les Écritures abondent en exemples de cette justice :
- « Nous ne leur avons fait aucun tort, mais ils se faisaient du tort à eux-mêmes » (Coran 16/118)
- « Ô notre Seigneur, nous avons fait du tort à nous-mêmes… » (Coran 7/23)
Ce double mouvement — glorification divine et confession personnelle — constitue un équilibre parfait entre confiance dans les bonnes œuvres et humilité dans l’aveu des fautes. Le Prophète ﷺ a enseigné cette attitude dans ses invocations :
« J’ai été injuste envers moi-même, je reconnais mes péchés… » (Mouslim)
Selon al-Hasan al-Basrî :
« Il n’a été sauvé que par son aveu et sa reconnaissance de l’injustice. »
Quatrième remarque : Allah lui répondit
Lorsque ces paroles réunissent la proclamation de l’unicité divine, l’intercession par les bonnes œuvres, l’exaltation de Dieu et l’aveu de sa propre faute, elles forment une invocation parfaite, empreinte d’humilité et de soumission. Et Allah est pudique et généreux, comme l’enseigne le hadith :
« Votre Seigneur est pudique et généreux. Lorsqu’un serviteur lève ses mains vers Lui, Il a honte de les laisser vides. » (Rapporté par les auteurs des Sunan sauf an-Nassâ’î)
Le Prophète ﷺ a affirmé :
« L’invocation de Dhû al-Nûn lorsqu’il était dans le ventre du poisson : “Il n’y a point de divinité en dehors de Toi. Gloire à Toi ! J’ai été parmi les injustes”. Aucun musulman ne la prononce pour une chose sans qu’Allah ne lui réponde. » (Tirmidhî)